L’expérience suédoise ou la découverte de la pratique archivistique étrangère

Ban_suedeLe 17 avril s’est tenu aux Archives Départementales des Yvelines une rencontre entre le service d’archives départementales, un service d’archives locales français, et les archivistes de la ville de Stockholm. Pour resituer le contexte de cette rencontre, il convient d’expliquer plus précisément les origines de nos collègues nordiques. Les archives de la ville de Stockholm sont en charge de la ville et de la région de Stockholm, elles préservent 700 ans de patrimoine écrit datant du Moyen-âge à nos jours. Le groupe de vingt-cinq personnes venu à notre rencontre est issu des archives de différents services de la capitale suédoise, mais seuls huit d’entre eux travaillent véritablement dans le service d’archives municipal. Parmi les 40 000 employés de la ville de Stockholm, cinquante sont consacrés aux différents services d’archives de la ville et la moitié d’entre eux ont décidé de participer à cette rencontre inter-service : la première en son genre à Stockholm. Le groupe a choisi la France comme lieu pour cette rencontre sur proposition de Christine Martinez, directrice des Archives Départementales des Yvelines, mais précédemment secrétaire générale adjointe au Conseil International des Archives (ICA). Leur circuit les a conduits aux Archives départementales mais également dans les centres des Archives Nationales françaises, notamment au nouveau site de Pierrefitte-sur-Seine où ils se rendront le lendemain de leur visite aux Yvelines.

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Après une rapide présentation par la directrice du personnel des Archives départementales (apprentis et stagiaires compris), chacun des directeurs a présenté le mode de fonctionnement de son service, et plus largement de l’organisation des archives à l’échelon national. Pour le côté français, ce fut la présentation du rôle du SIAF, des cinq sites nationaux et un aperçu de l’organisation des archives locales en les replaçant dans le maillage administratif propre à notre pays. Le directeur suédois ne s’attarde que peu sur ce sujet concernant son pays, rentrant dans le vif du sujet de la pratique archivistique. C’est là qu’apparait la première différence majeure entre nos deux systèmes. Le service des archives nationales suédoises reprend à différents niveaux les rôles des archives nationales et du SIAF en France. Il dispose en effet d’une facette de conseil sur les doctrines et les actions à suivre conjointement à ses activités archivistiques. Cependant, ces conseils ne sont en rien obligatoires et chaque service d’archives suédois dispose d’une pleine liberté d’action et de méthodologie, sans ingérence d’une entité administrativement supérieure. Passée cette présentation, les échanges se portent rapidement sur l’archivage électronique.

En 2010, les archives de la ville de Stockholm ont mis en place une e-plateforme ayant pour fonction d’une part de stocker des données électroniques (documents numérisés ou nativement numériques) et d’autre part de créer un accès en ligne pour le public. Il a été soulevé lors de la rencontre la question de la conservation des originaux des documents numérisés. La numérisation de substitution étant encore un débat assez houleux actuellement à Stockholm, il a été choisi de conserver les deux versions pour le moment. Tout comme nous, l’ignorance actuelle concernant la fiabilité future et le délai d’obsolescence des supports électroniques est source de doutes chez les archivistes et records-managers suédois quant à la destruction des documents sur supports traditionnels en dépit de leur numérisation. De plus, si ce constat est valable à Stockholm, il peut différer ailleurs dans le pays, la numérisation de substitution dépendant grandement de la géographie et de la localité, y compris pour les documents conservés de manière définitive. L’existence mixte des documents est cependant un argument avancé pour favoriser l’accessibilité de ces derniers aux publics. Ces publics englobent bien évidemment les publics extérieurs, mais également les publics internes à l’organisme, c’est-à-dire les autres services de la municipalité. Ce développement de l’archivage électronique dans les services suit les préconisations des archives nationales du pays, mais est considéré comme étant trop lent à l’heure actuelle par les archivistes suédois.

Pour ceux qui ont le sentiment que le rapport au public et notamment les chercheurs est un des piliers des archives publics, le système suédois pourra surprendre ou même décevoir. En effet, le rapport au public dans les archives municipales de la capitale du pays nordique peut être qualifié de mercantile. Rien que dans la désignation de ce public, les termes suédois ou anglais employés se traduisent par « clients » et non « public » ou « lecteurs ». Par ailleurs, l’archivage des dossiers est payant (approximativement seize euros le mètre linéaire) lorsque des personnes physiques ou morales veulent stocker leurs archives dans les archives municipales ou nationales. Est également payant la consultation des documents papiers aux archives de Stockholm, à l’inverse des archives numériques (d’où les développements des programmes de numérisation précédemment évoqués). De plus, ce sont des archives utilisées à des fins administratives. Les notions de recherche historique ou de valorisation du patrimoine sont quasi inexistantes.

Un aspect de la relation public/archives très méconnu en France est exploité pour les archives de Stockholm : une relation collaborative est entretenue avec le public. En effet, le public, parfois non professionnel, peut se proposer pour participer à l’élaboration des instruments de recherche ou à l’indexation en ligne. Si cette méthode peut renforcer le travail des archivistes, le résultat peut être à double tranchant car le phénomène est assez peu contrôlé et la qualité peut parfois laisser à désirer : en effet, il suffit de créer un compte pour participer.

Après un repas commun offert par les archives, la délégation a ensuite profité des locaux pour faire une réunion de mise au point puis est repartie. La rencontre fut très instructive du fait de cette diversité énorme entre deux systèmes pourtant publics et du temps d’échange organisé par Mme Martinez. Cela a permis, à nous autres stagiaires, de comprendre la particularité du système français avec ses avantages et ses inconvénients.

Guillaume MonnotClara Vinourd