L’évaluation documentaire et archivistique au service de la démarche de gouvernance de l’information à Orange

Compte-rendu de l’intervention d’Arnaud Jules, records manager, directeur de la gestion et de la conservation de l’information à Orange

Que serait une journée d’étude axée sur l’évaluation sans la participation des entreprises, confrontées au quotidien à la gestion de l’archivage de leurs documents et ô combien soumises au difficile exercice que constitue l’évaluation. L’exemple nous a été donné par Orange, un groupe international d’origine française, acteur incontournable du domaine des télécommunications qui compte aujourd’hui près de 166 000 salariés et plus de 236 millions de clients dans le monde.

Pourquoi évaluer ? Comme pour beaucoup d’autres groupes, Orange gère des volumes documentaires conséquents, évalués à près de 20 exaoctets. Leur importance a conduit le groupe à placer la fonction d’évaluation au cœur de ses préoccupations. De fait, la fonction de gestion documentaire vise à répondre à trois enjeux principaux, à savoir une problématique de risque, une problématique d’efficacité et une problématique économique. Plus précisément, la maîtrise de l’archivage répond et vise à garantir différents objectifs et exigences énumérés ci-dessous :

– garantir les droits en cas de litige ;

– être en accord avec la réglementation nationale et internationale;

– faciliter la prise de décision ;

– optimiser l’efficacité opérationnelle et économique;

– soutenir la stratégie de l’entreprise;

– fiabiliser et optimiser la digitalisation des processus ;

– identifier la valeur patrimoniale et historique de certains documents.

En outre, il est intéressant de noter que le cadre général de l’évaluation au sein du groupe se fait au travers de responsabilités ou « gouvernances » rattachées au Secrétariat Général du groupe. La notion de responsabilité est d’autant plus fondamentale que comme pour d’autres grands groupes internationaux, Orange dispose d’actions à New-York. De ce fait, et comme pour toutes les entreprises cotées aux Etats-Unis, le groupe a l’obligation de présenter à la Security and Exchange Commission – autorité Américaine des marchés financiers – des comptes certifiés par ses dirigeants en vertu de la loi Sarbanne-Oxley du 30 juillet 2002. Un contrôle qui suppose une bonne gestion de l’archivage en amont, notamment des documents essentiels et engageants du groupe.

En outre, pionnier en matière de protection des droits et des données personnelles de ses collaborateurs, Orange mène au delà des problématiques légales et réglementaires, une politique d’efficacité qui trouve son application concrète dans la maîtrise et la bonne gestion documentaire, permettant au groupe de mieux appréhender l’univers concurrentiel dans lequel il s’inscrit, en lui permettant de fonctionner de manière plus efficace et efficiente.

Comment évaluer ? L’évaluation à l’échelle du groupe se fait au quotidien par le biais d’outils de gouvernance. Ces outils s’inscrivent dans une politique de gestion de l’archivage globale, entamée en 2006 avec la gestion documentaire papier, qui aboutit aujourd’hui à une gestion davantage axée sur les documents numériques natifs. Concrètement, Orange dispose de plusieurs référentiels de conservation, et a développé divers logiciels lui permettant de mieux évaluer les documents et de déterminer leur valeur ainsi que leur criticité.

En matière d’archivage électronique, le groupe a développé des services spécifiques basés sur la valeur probante des documents. On distingue ainsi trois niveaux de services : un archivage sans valeur probante pour les archives d’entreprises et les archives historiques, un archivage à « faible » valeur probante garantissant la traçabilité des versements, l’intégrité et la pérennité des supports et des formats, et un archivage à « forte » valeur probante agissant comme un coffre-fort électronique, mettant en œuvre une signature électronique ainsi qu’un horodatage certifié. Parallèlement, Orange dispose de plusieurs SAE (Système d’Archivage Electronique), le plus important gérant l’archivage intermédiaire.

Par ailleurs, une GED (Gestion Electronique de Documents) mutualisée, couvrant la plupart des processus du groupe, dotée d’une logique d’évaluation déployée dans l’outil, a été développée afin de gérer plus de 102 millions de documents stockés.

Enfin, notons que la gestion de l’archivage se fait grâce à un ensemble de processus. Dans les faits, comme pour d’autres groupes tels que La Poste, la fonction d’évaluation est appliquée dès le départ du cycle de vie du document. Ainsi, chaque document se voit attribuer une valeur qui lui est propre : une valeur juridique, informationnelle (pour les besoins métiers et la bonne conduite des affaires) et historique. En revanche, il est intéressant de noter qu’un même document peut se voir attribuer différentes valeurs (l’exemple de la facture est assez caractéristique, puisque Orange lui assigne une valeur comptable, fiscale et marketing). Outre la valeur, l’évaluation au sein du groupe se fonde sur une autre notion, celle de criticité. Disposant de quatre niveaux, la criticité des documents varie en fonction du caractère vital des données contenues dans des documents classés en niveaux : vitaux (niveau 1), critiques (niveau 2), sensibles (niveau 3) et standards (niveau 4).

Prenant en compte les différentes normes internationales telles que l’ISO 30300 pour le records management, Orange a su développer une évaluation participant à la responsabilité sociétale du groupe. Arnaud Jules achève son intervention en insistant sur le fait qu’une bonne gestion des archives « permet de dire au monde extérieur qu’[une entreprise] travaille bien ».

Hinda Ouijjani