« La vie des autres ». Une historienne du cinéma face aux archives est-allemandes

Compte-rendu de l’intervention de Caroline Moine, maître de conférence à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.

Dans le cadre de notre démarche « universalisante », il nous est paru naturel d’intégrer à cette journée d’études un historien, l’utilisateur privilégié des archives. Qui plus est, une historienne travaillant sur des sources si contemporaines que sa démarche s’inscrit dans celle de l’ « Histoire du temps présent ». Mais le contemporain, c’est aussi l’occasion de mesurer le degré d’intervention du chercheur dans les affaires courantes lorsqu’elles se dirigent vers le domaine des archives définitives. L’historien joue-t-il un rôle, lorsqu’il préconise un intérêt que ne verrait pas l’archiviste ? Fidèle à l’adage « on ne sait jamais », serait-il hostile à toute forme de tri ? Dans quelle mesure son évaluation sur les archives en devenir est-elle déterminante ? A-t-il l’oreille des archivistes ? Pour tenter d’apporter des éléments de réponse, nous avons invité Caroline Moine, maître de conférences en Histoire contemporaine à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, qui a choisi d’explorer le thème des Archives de l’ex-République Démocratique Allemande (RDA).

 

Les archives de la RDA dans le tournant des années 1990

Le phénomène de l’évaluation s’est illustré lors de la récupération, par l’Etat fédéral Allemand, des Archives de l’ex-RDA au début des années 1990 et le rôle joué par les historiens dans la découverte de ces archives. Il incombait alors de retracer leur histoire en décryptant leur traitement et leur classement. En effet, il était manifeste que, devant les dates extrêmes et le classement adopté, devant les ensembles thématiques et les termes associés, l’Etat fédéral Allemand avait fait le choix de considérer la RDA comme une simple parenthèse, quand bien même il eut existé deux Etats nettement séparés pendant presque 50 ans. Ici, les Archives traduisent une lecture politique d’un événement local majeur, où « la notion d’évaluation [des archives] peut prêter à sourire, car il fallait bien tout garder » sur ce sujet sensible. La bonne tenue de ces Archives rappelle le cheminement démocratique pour une société : des Archives transparentes et accessibles aux scientifiques (et notamment historiens) seraient en effet la preuve la plus démonstrative d’un processus de démocratisation réussi.

 

L’intérêt est de constater le rôle possible de l’historien contemporain sur la métamorphose des pièces documentaires administratives vers le statut de sources historiques. En outre, il s’agissait aussi de détruire l’idée reçue des historiens hostiles à toutes formes de sélection des archives, puisqu’il est bien évident que dans ce cas-ci, on pouvait légitimement comprendre l’intérêt que représente, encore aujourd’hui, chacune de ces pièces documentaires, notamment celles de la STASI (Staatssicherheit), la fameuse police politique qui tenait des fichiers très précis sur la population (quand bien même l’intérêt de ces archives avait été à plusieurs reprises réévalué).

 

Le professeur a cependant nuancé l’impact de l’historien dans le domaine des archives « très contemporaines », prétextant que dans le cadre d’une intervention sur des institutions ou des sujets tels, l’historien puisse vite être « taxé de journalisme ». On retiendra également que l’expertise de l’historien n’est pas systématiquement de tout conserver : les paramètres dépendant de l’histoire de l’institution concernée et de la diversité – plus que la quantité – des informations.

 

Olivier Chevenier