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Les tablettes de cire
A la tablette d’argile a succédé celle de cire. Dans l’antiquité et au haut moyen-âge une fine couche de cire répandue sur une tablette de bois servait de support d’écriture. Le grand avantage de ce support était sa réversibilité. Il était possible d’effacer le texte en utilisant la partie plane du stylet, faire fondre la cire pour la réutiliser ensuite sur la même planche de bois ou encore conserver le support en bois mais changer intégralement la couche de cire. Ce support était très utilisé par les écoliers. Il se présente souvent sous forme de dyptique mais il existe également sous d’autres formes de polyptique
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L’Héritage antique du volumen en papyrus
Le nom grec du livre : biblion, dérive de biblos : écorce intérieure du « papyrus » servant à écrire. Le papyrus est fait à partir de la plante du même nom. Il apparait au IIIe millénaire av. J.C. et est le support le plus répandu de l’Antiquité. C’est un matériau fabriqué avec la moelle de la tige de ce roseau, découpée en lanières qui sont juxtaposées et superposées en deux couches, l’une horizontale, l’autre verticale. Le battage au maillet dans l’eau assure la cohésion des composants entre eux. Les tiges fibreuses de la plante ont permis d’apprêter un support ce qui révolutionna le monde de l’écriture en donnant naissance à la « feuille ».
Il se prête mal au pliage et ne permet pas d’écrire recto verso. Les premiers livres se présentent donc sous la forme de rouleaux (volumina), composés de feuilles collées côte à côte et enroulées autour d’un bâton. Pour la lecture, les deux mains sont mobilisées. Il est donc difficile de prendre des notes, au mieux on dicte à un scribe mais le plus souvent, on se contente du par cœur. Le texte est le plus souvent écrit en scriptio continua (sans interruption) et est destiné à être lu à voix haute. Le volumen paraît inséparable d’une culture… de l’oralité. L’importance des séances de lecture publique dans le cadre des « odéons » est un exemple de ce paradoxe.
Figure 1 : rouleau (ou volumen) de papyrus
(http://vocabulaire.irht.cnrs.fr/pages/vocab2.htm)
La macrocolle est la feuille de papyrus de grand format, l’endroit (ou avers et recto) est la face du papyrus présentant des fibres parallèles au sens de l’écriture (D) et l’envers (ou revers et verso) est la face du papyrus présentant des fibres perpendiculaires au sens de l’écriture (C).
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Le codex en parchemin
L’arrivée du parchemin
Entre le IIe et le IVe siècle ap. J.C., la forme du livre change et passe du volumen au codex, livre formé de feuilles pliées en deux et assemblées en un ou plusieurs cahiers cousus par un fil le long de la pliure. Cet objet est plus facile à stocker, moins « volumineux » et supporte l’écriture au recto et au verso. Son usage favorise la lecture à voix basse introduite dans les monastères. Il s’impose surtout grâce à l’emploi d’une autre matière première, d’origine animale celle-ci. La tradition veut qu’elle ait été inventée à Pergame en Asie Mineure à la fin du Ier siècle av. J.-C. Le nom de parchemin vient de pergamênê, « peau préparée à Pergame » en Mysie. On sait cependant que l’usage de la peau en tant que support d’ écriture existait déjà, un rouleau de parchemin de la XXème dynastie (1195-1085) en est un exemple. Il est possible que les problèmes du commerce du papyrus dus au confit entre Demetrius I Soter et Antiochus III (188 av. J.-C.). Le roi de Pergames, Eumène II soutint ce dernier et subit en contrepartie un embargo égyptien.
Le procédé de fabrication
Le procédé qui permet d’obtenir le parchemin fait appel à une technologie relativement simple. La peau d’un animal (veau, mouton, chèvre…) fournit la matière première : on la trempe tout d’abord dans un bain de chaux afin de faciliter l’élimination des poils ; une recette orientale recommande toutefois d’utiliser des dattes pour cette opération afin de ne pas dessécher la dépouille. Celle-ci a pu conserver sur son autre face des traces de chair ou de graisse que l’on gratte soigneusement avec un instrument métallique. Enfin la peau est tendue sur un châssis (ou herse) pour être séchée et travaillée.
La préparation terminée, le parchemin présente une différence de couleur et de texture entre le « côté poil » (dit également « côté fleur ») et le « côté chair ». Le côté fleur est la face extérieure de la peau, qui portait le poil de l’animal tandis que le côté chaire est la face intérieure de la peau, qui adhérait à la chair de l’animal. La fabrication du parchemin fut perfectionnée tout au long du Moyen Age et est définitivement au point au XIIIe siècle, quand le parchemin commença à être concurrencé (XIVe siècle) par le papier.
En Occident, les parcheminiers ont parfois poursuivi le travail de préparation jusqu’à ce que les deux côtés aient la même apparence : un ponçage minutieux ou un ajout de craie sur la surface permettait de parvenir à ce résultat. Dans le monde arabo-musulman, en revanche, cette différence ne semble pas avoir gêné les utilisateurs : dans les manuscrits de cette aire culturelle, les côtés chair, jaunâtres, se trouvent systématiquement en face des côtés poil, presque blancs, si bien que la différence saute généralement aux yeux lorsque le livre est ouvert.Comme on le voit, le travail de préparation a une incidence sur le produit fini, mais la qualité de celui-ci est également conditionnée par la matière première, c’est-à-dire la peau, dont la qualité varie suivant les espèces. La peau des veaux mort-nés ou s très jeunes veaux permet d’obtenir du « vélin »,un parchemin de qualité supérieure, qui se distingue par une grande finesse et une blancheur éclatante. Plus souvent cependant, les artisans travaillaient des peaux de mouton. L’âge et la santé de la bête, ou encore les blessures qu’elle avait reçues, jouaient également leur rôle dans le résultat final
L’organisation des cahiers
Le cahier est un ensemble de bifeuillets emboîtés les uns dans les autres et unis par un même passage du fil de reliure. Le cahier peut éventuellement se composer d’un seul bifeuillet (singulion ou bifeuillet indépendant), ou même d’un feuillet dépareillé, cousu indépendamment. Pour le fabriquer, les artisans musulmans commençaient par découper le parchemin en morceaux, qu’ils assemblaient généralement par cinq avant de le plier en deux ; sur une double page, un côté chair fait habituellement face à un côté poil. En Occident, en revanche, la peau était pliée une fois, ou deux, ou trois… selon les dimensions que le copiste souhaitait donner à la page ; ce procédé avait pour conséquence de toujours mettre en vis-à-vis des côtés de même nature. On appelle ce procédé la règle de Grégory.
Figure 2 : http://vocabulaire.irht.cnrs.fr/pages/vocab2.htm
Un matériau de luxe
Afin de conférer plus de valeur aux manuscrits, mais aussi d’obtenir un effet original de présentation, on teignait parfois le parchemin. Le Moyen Âge occidental a vu la production d’évangéliaires sur parchemin pourpre (codex purpureus) : le Codex purpureus Rossanensis (museée diocésain d’art sacré de Rossano) en est un exemple
Figure 3 : portrait de Marc, Codex purpureus Rossanensis.
La réalisation de manuscrits sur ce support impliquait qu’un nombre plus ou moins élevé de peaux devaient être réservées à cette fin au lieu d’être transformées en cuir. Dans le cas de manuscrits de grand format, il s’agissait de véritables troupeaux : plus de cinq cents peaux de mouton furent nécessaires pour le Codex Amiatinus (Florence, Bibliotheca Laurenziana) et un nombre sans doute aussi important voire plus pour les corans de la taille du manuscrit arabe 324 de la Bibliothèque nationale de France. Ce manuscrit, en ligne sur Gallica, a fait l’objet d’une vidéo sur le site de la BnF.
Figure 8: Lexique grec sur palimpseste, Italie du Sud, XIIIe siècle, 25 x 17 cm BnF, Manuscrits occidentaux, grec 2631
Le parchemin était donc extrêmement onéreux ; cela explique que l’on ait réparé ou réutilisé de vieux parchemins après en avoir effacé l’écriture : on parle alors de « palimpseste ».
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