Dans le cadre du traitement des archives du Musée national de céramique, environ 2 000 négatifs sur verre ont été retrouvés. Ces négatifs, communément appelés plaques de verre, constituent des documents extrêmement importants pour l’histoire de la Cité et ses collections.
Quelques notions sur les « négatifs verre »
On appelle négatifs verre les images négatives ayant comme support le verre. Ce support est recouvert d’une fine couche sensible à la lumière, composée le plus souvent de sels d’argent mélangés à une substance qui adhère au verre. Cette substance, qu’on appelle également « liant », diffère selon les époques et les méthodes de développement utilisées.
En 1840, William Talbot invente le calotype, procédé photographique permettant d’obtenir un négatif-positif sur papier. Cette pratique, qui sert encore de base au développement photographique de nos jours, est entachée par le manque de netteté dû à l’usage du papier papier. En 1847, Abel Niépce de Saint-Victor corrige ce défaut en intégrant des plaques de verre dans le procédé de développement. Ce système perdure jusqu’aux années 1950, où il tombe en désuétude face au développement de la pellicule, qui contribue à l’essor des négatifs sur papier. Cependant, certains photographes ont continué à utiliser les négatifs sur verre car ils offraient des performances de tirage supérieures à celles des négatifs sur papier.
Les plaques de verre retrouvées dans les archives montrent les salles d’expositions et les vitrines du musée. Ces clichés ont été pris pour servir d’illustration au Guide du visiteur de Georges Papillon publié en 1909. Ils ont également été utilisés pour la production de cartes postales de la manufacture. On trouve également des plaques présentant des céramiques anciennes et des vues des salles du musée en 1948. Cette date emblématique est celle de la réouverture du musée, après les travaux engendrés par les bombardements de 1942.
Le procédé appliqué, pour le développement des négatifs sur plaque de verre, utilise un mélange de gélatine, de bromure de potassium et de nitrate d’argent comme « liant ». Cette méthode s’est popularisée rapidement car la substance utilisée augmente la sensibilité de l’image, est rapidement développable, tout en étant facilement conservable. Les plaques de verre ont ainsi contribué à l’essor de la photographie.
L’utilisation historique et pratique des plaques de verre
Outre leur usage premier, les négatifs sur plaques de verre permettent de connaître la muséographie ancienne des salles d’exposition et leur décoration monumentale. Les différences de qualité entre les négatifs grands formats sur plaques de verre et leurs tirages sont saisissantes, à tel point que les plaques de verre peuvent également servir à identifier certains éléments de l’image non perceptibles sur les tirages.
Sur le tirage positif ci-près, on peut apercevoir des objets qui ornent la salle d’Extrême Orient (premier étage du musée) dont le cartel du vase de gauche est illisible. Pourtant sur la plaque de verre originelle, on peut discerner le cartel. Cette information peut sembler anecdotique, mais elle revêt en réalité une importance capitale pour l’identification de l’objet. En effet, au fur et à mesure des restaurations, les objets, cartels et moyens d’identification s’effacent ; tant et si bien que certains objets restent non identifiés ou difficilement identifiables. Dans notre cas, la plaque de verre a permis de reconnaître l’œuvre, comme étant le Vase de Macao réalisé à la Manufacture nationale de Sèvres en 1873.
Par extension, la numérisation des négatifs grands formats et sur supports en verre permet de travailler une image de haute qualité ; au service des Musées de France, elle a par ailleurs contribué au travail de reconnaissance d’œuvres spoliées durant la Seconde guerre mondiale (voir le site internet Rose Valland).
Depuis la plaque de verre, on peut lire sur le cartel du vase de gauche les informations suivantes :
« 7544 Fabrication de Sèvres 1873 » « Porcelaine dure » « Décoré par Bonnuit »
Ces informations peuvent être vérifiées grâce à l’inventaire du musée (image ci contre). Cet inventaire nous permet d’avoir des informations supplémentaires sur le vase.
Il s’agit d’un grand vase fabriqué en 1873. Les décors ont été réalisés par deux artistes, les fleurs ont été peintes par Eugène Charles Cabau, peintre à la Manufacture de Sèvres de 1847 à 1885, tandis qu’Achille Louis Bonnuit, peintre décorateur à Sèvres de 1858 à 1893, a réalisé les décors et les dorures.