Quelles interactions entre administration, demande sociale et archivistes dans la collecte des archives ?

La conférence sur le thème « Quelles interactions entre administration, demande sociale et archivistes dans la collecte des archives ? » débute avec Bernadette Ferradou qui nous parle du records management et de l’archivage intermédiaire comme deux approches complémentaires de la temporalité des archives.

Le rapport au temps est au centre de cette intervention. Il faut se poser la question de savoir si la notion d’archivage intermédiaire a toujours du sens. Une relecture critique de la théorie des trois âges est proposée.

Pour l’archivage, la coexistence de structures formelles et informelles entraine un conflit fréquent. Les choix sont opérés par les personnes en fonction de leur position hiérarchique. Les relations entre l’individu et l’organisation sont pensées différemment. La culture d’établissement influe sur la représentation du monde de son personnel. La collecte est une négociation entre les producteurs d’archives et les archivistes : c’est une relation de pouvoir. Le temps est ici un allié pour se rapprocher des producteurs d’archives. Les règles internes favorisent la collecte des dossiers administratifs. Quelle est la valeur d’un dossier aux yeux de son producteur ? Les archives imposent en effet une valeur du monde qui est soit celle de l’administration soit celle de l’archiviste. L’archivage est comme un moment de passage symbolique.

Le tri des archives impose de faire un choix. Il y a donc contradiction entre le souhait d’une conservation intégrale et le tri. Il faut réussir à se faire une représentation du dossier qu’il peut avoir dans le futur. Il s’agit de la subjectivité d’une seule personne ou d’une équipe ?

Pour terminer, il faut penser à plus anticiper pour pallier aux urgences. Le records management et l’archivage électronique sont des outils précieux. On doit parvenir à un équilibre entre producteur et archiviste, les moyens donnés et les résultats attendus.

La seconde intervention, faite par Anne Lebel, traite du mouvement social, de l’identité et des archives en Guadeloupe. Un centre d’archives est créé tardivement en Guadeloupe, en 1951. Le premier bâtiment date de 1986. Cette lenteur a entrainé la disparition d’archives qui n’étaient pas collectées. Avant cette date, on peut remarquer l’absence de recherche scientifique. Le long conflit social de 44 jours de janvier à mars 2009 portait entre autres sur l’amélioration des conditions de vie et la lutte contre des prix excessivement haut. Dans les collèges des manifestants, on pouvait entendre des revendications identitaires. Certaines sont liées directement aux archives départementales. Il est fait référence à l’histoire et à la mémoire. Le 4 mars, un protocole d’accord est signé.

Le rétablissement de l’esclavage en 1902 et les émeutes en mai 1967 posent problème dans l’enseignement de l’histoire car ils ne sont pas présents. Seule la presse nationale telle que Le Monde appelait les archivistes. 2009 a donc été un déclencheur de questions. Les archives n’existent pas, elles sont cachées, elles ont disparu et ne représentent pas l’histoire des guadeloupéens.

La question du nombre de morts en 1967 fait polémique. Il était annoncé 8 morts puis 87 et enfin 100 par Christine Taubira. Ce nombre incertain vient du fait que les familles ne voulaient pas signaler la mort d’un proche de peur des représailles.

On découvre les archives de l’hôpital de Pointe-à-Pitre dans les années 90. Peu d’archives communales possèdent des documents antérieurs à 1970. Quant aux archives départementales, elles ne possèdent aucune archive de la préfecture de police.

La numérisation des états civils des esclaves et des nouveaux libres était faite par les archives départementales. Recenser et collecter les sources permettraient de progresser dans la connaissance de la société contemporaine. Il était prévu d’ouvrir un centre équipé en matériel, espace de travail, salles fonctionnelles et un minimum d’espace de conservation documentaire.

Il est demandé d’avoir des archives plus proches de la population. Il faut collecter mais également tenir compte de l’histoire de son territoire, de ces moments de traumatisme. On doit pouvoir communiquer au plus grand nombre, valoriser, diversifier les dépôts et mieux diffuser. Un site web devrait être ouvert d’ici la fin de l’année et des bouquets documentaires seront créés sur les conflits sociaux.

Dans ce cas précis, il ne faudrait pas faire de tri pour pouvoir fournir un maximum d’informations.

Pour terminer la conférence, Isabelle Malfant-Masson, Gérald Postansque et Antoine Djikpa sont intervenus sur le thème : « Documents à conserver pour les besoins des recherches administratives ». Ils font partie de l’union des syndicats de généalogistes professionnels. Les archives sont leur instrument de travail au quotidien. Leur but dans cette intervention est de montrer qu’il faut concilier les besoins des chercheurs professionnels et les impératifs de conservation des archivistes. En effet, certains documents sont indispensables pour apporter LA réponse juridique.

La masse de documents est considérable. Le compromis entre la collecte de certaines catégories et la conservation partielle est parfois dangereux.

Les principaux documents en danger par suite d’instructions sont : les registres de formalités et d’ordres des inscriptions hypothécaires, les registres de dépôts des formalités, les actes sous-seing privé, les renvois et les annexes et répertoires du livre foncier rendus inaccessibles après une numérisation partielle.

Ils dénoncent une ignorance et une négligence du fait d’une sous-utilisation, de fermeture de services, d’absence d’outil de consultation et du manque de connaissance de l’utilité du fonds.

Dans certains cas, la numérisation pose problème car elle écrase des feuillets.

Pour conclure, ils expriment la volonté d’une sauvegarde plus systématique et pérenne des documents à caractère administratif et proposent une aide à la numérisation pour les documents destinés à être éliminés.

Laura Landès