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Le salon d’honneur et le traité de Sèvres
Parmi les salles d’expositions du Musée national de céramique, le salon d’honneur a une importance historique particulière. Dans le cadre du traitement des archives de la Cité de la céramique, des photographies et des notes des conservateurs ont été retrouvées dans les archives du M usée et apportent une nouvelle perspective à l’étude des archives du musée, offrant ainsi un éclairage sur l’histoire de la Cité.
Le salon d’honneur
Le salon d’honneur aménagé en 1876 et a été conçu comme un espace monumental de présentation de la production de la Manufacture. Il était utilisé également pour accueillir les visiteurs de marque de la manufacture. Situé au premier étage, au centre du bâtiment, le salon d’honneur a reçu une élévation monumentale de style corinthien. L’espace est surmonté d’une coupole formant un dôme qui sera réduit dans son élévation en 1938, par l’aménagement d’une salle au deuxième étage. Au milieu de la pièce trône le vase de Neptune, ouvre monumentale conçue par Joseph NICOLLE en 1867, présentée la même année à l’exposition universelle. Les murs du salon d’honneur sont ornés de nombreux tableaux sur porcelaine, mais également de quatre tapisseries réalisées à la Manufacture des Gobelins, d’après les cartons d’Edmond LECHEVALLIER CHEVIGNARD (1825-1902). Ces tapisseries, représentant des allégories des arts du feu, ont été retirées en 1938 puis aliénées par l’État à la ville de Sèvres en 1954.
Entre 1876 et 1910, le salon est utilisé à la fois comme un espace de présentation des productions de la Manufacture nationale de Sèvres, mais également comme un lieu de réception. A partir de 1910, le salon d’honneur est modernisé et réorganisé pour accueillir et présenter la collection de modèles en terre cuite pour les biscuits de Sèvres et un choix d’œuvres produites dans les ateliers. Cinq vitrines monumentales conçues sous la direction d’Hector Guimard sont placées dans le salon autour du vase de Neptune et présentent quelques-unes des plus belles réalisations de la Manufacture du XVIIIe siècle. En juillet 1920, la Manufacture de Sèvres est choisie pour accueillir la cérémonie de signature du traité de paix entre l’Empire Ottoman et les pays de l’Entente, derniers accords de paix qui ont pour conséquence le morcellement de l’empire ottoman.
Le salon d’honneur est aménagé pour y accueillir les dignitaires étrangers. Les vitrines sont retirées et le vase de Neptune démonté et mis en réserve, où il y restera 85 ans ! L’aménagement du lieu présente de nouvelles perspectives pour l’administrateur qui décide d’utiliser le salon pour y exposer les nouvelles acquisitions du musée, les œuvres de céramistes contemporains et les dernières productions de la Manufacture. Ainsi, le 23 Décembre 1920, le Musée national de Céramique accueille sa toute première exposition d’artistes contemporains. Cet aménagement reste en place jusqu’au bombardement de 1942.
Le traité de Sèvres
Les archives de la Cité nous révèlent de nombreuses informations qui viennent éclairer le contexte de la signature du traité. Le traité de Sèvres devait mettre en application les modifications géographiques de l’Empire ottoman suite à sa capitulation. Le choix de la Manufacture nationale de Sèvres, qui s’imposa face à l’École Normale et aux châteaux de Malmaison et de Maisons-Laffitte, était doublement symbolique. Les vastes salles d’exposition de la Manufacture regorgeaient de pièces prestigieuses.
Par ailleurs, ce fut sur le pont de Sèvres que furent menés les premiers pourparlers entre armées allemandes et françaises pour la conclusion de l’armistice de 1871 qui mettait fin à la guerre de 1870. La Manufacture par sa production et son histoire était ainsi synonyme de prestige et de solidité. Mais d’autres virent au contraire, dans ce choix, le symbole de sa fragilité. En effet, loin de résoudre toutes les difficultés, le traité créait de nouvelles tensions. Il fut d’ailleurs maintes fois repoussé. Prévu au départ pour la fin juillet 1920, il fut ajourné à de multiples reprises, d’abord du fait d’une grève de cheminots en Roumanie empêchant l’arrivée à bon port des ambassadeurs turcs, puis suite à un contentieux italo-grec au sujet de l’archipel du Dodècanèse.
Ces treize îles grecques, sous souveraineté ottomane, étaient passées sous obédience italienne depuis la guerre italo-turque de 1911. L’Italie espérait récupérer définitivement ces îles, ce que ne pouvait accepter la Grèce, qui s’en était emparée quelques mois plus tôt. Le traité fut finalement signé le 10 août 1920, dans le salon d’honneur, en présence du sénateur Riza Tewfik Pacha, le général Hamdi Pacha et Rechad Ali Bey, ministre de Turquie à Berne. La Manufacture contribua au protocole par la mise à disposition de l’Ecritoire Carrier Belleuse pour la signature du traité. Celui-ci proclamait le morcellement définitif du territoire ottoman en faveur de la Grèce, laissant l’Empire en proie aux mouvements nationalistes qui provoquèrent sa démise.
L’Écritoire Carrier Belleuse.
L’Écritoire Carrier Belleuse, aussi appelé Encrier à la Minerve, est une œuvre qui fut réalisée en deux temps. Albert Ernest CARRIER BELLEUSE (1824-1887) sculpteur réputé, a été directeur des travaux d’art de la manufacture entre 1876 et 1886. Il crée en 1883 La Minerve. Celle-ci fut ensuite complétée en 1905 par l’ajout d’un support ornemental, destiné à servir d’encrier.
Au sein des archives de la Cité, on peut trouver des traces de son histoire. Cette œuvre fut commandée par le Kaiser Guillaume II en 1914, quelques mois avant la première Guerre Mondiale. Ce dernier dépêcha un de ses représentants pour acquérir des œuvres de la Manufacture dont l’Écritoire Carrier Belleuse. La Manufacture exécuta l’écritoire, mais la guerre empêcha la livraison de l’œuvre. Cependant, sa réalisation ne fut pas vaine puisqu’elle servit lors de la signature du traité de Sèvres. D’ailleurs une édition du 11 Août 1920 du Petit Journal prêtera ces propos au Kaiser : « Que n’ai-je reçu à temps cette Minerve française, elle m’eut enseigné la sagesse
Gérald Tastet et Nola N’Diaye