Les archives, sources de revenus ?

Archives et biens communs : vers une nouvelle économie de la valorisation du patrimoine

La conférence sur le thème « Les archives, source de revenus ? » débute avec Jordi Navarro, archiviste et généalogiste qui nous parle des archives et des biens communs : vers une nouvelle économie de la valorisation du patrimoine. Son intervention se basait autour d’un schéma interactif. L’histoire commence lorsque le document entre dans le patrimoine culturel. L’archiviste a la charge de constituer ce patrimoine. Il est en fait un expert mandaté par la communauté. Le document en tant qu’objet patrimonial doit être conservé et consulté par tous. Il montre que les documents sont matériels et uniques et donc dégradables et rivaux. Ce terme de rivalité est à comprendre dans le sens où lorsqu’un individu consulte un document, un autre ne peut le faire en même temps.

Ainsi, la question primordiale est : « Comment assurer la pérennité et permettre le libre accès à un objet unique et fragile ? » La communauté a donc dû faire un choix et a décidé de faire du document un bien public. Aussi, l’archiviste devient le garant de cette chose publique. En revanche, concernant la consultation par tous, on reste tributaire de l’unicité du document. Le remède : la numérisation. Cette méthode permet de créer une disjonction entre l’information et le support. L’information immatérielle est duplicable et non rivale. L’archiviste devient donc en mesure d’assurer la communication au plus grand nombre. Les documents doivent être désormais regardés comme des biens communs. Elnor Ostrom définit les biens communs : « Ceux que nous créons ensemble, que nous préservons comme don de la nature, ou ceux dont l’usage a été assuré pour chacun ».

En conséquence, on change de logique. On ne gère plus la rareté mais l’abondance. La mission des archivistes n’est plus la même. Il se pose comme le garant de la chose commune. Mais, dans un environnement numérique, l’archiviste doit lutter contre les appropriations indues : les enclosures techniques, juridiques et de données (celles-ci posent une barrière d’accès aux données en vendant les droits de consultation). Toutes ces enclosures sont illégitimes. Elles constituent une appropriation d’une chose commune que ce soit par une personne privée ou publique. L’archiviste doit donc s’assurer que le document ne perde pas son côté « bien commun ».

Pour conclure, nous sommes face à un schéma d’une nouvelle économie du patrimoine d’une part, et d’autre part, à la numérisation qui constitue un bien commun régi par les règles de la communauté. L’archiviste peut enfin appliquer les règles propres à la gestion du bien culturel.

Laura Landès

Archives et mémoires étudiantes : une économie sociale et solidaire est-elle possible ?

Cette intervention nous a été présentée par Jean-Philippe LEGOIS, archivistes à la Mairie de Sevran, Président de la cité des mémoires étudiantes et nouveau directeur de l’AAF et Marina MARCHAL responsable des archives à la cité des mémoires étudiantes.

Les archives de la mémoire étudiantes sont collectées auprès des mouvements étudiants par la cité des mémoires étudiantes. Les mouvements étudiants étant en perpétuel mouvement du fait des scissions, réunifications ou encore de la présidence qui change fréquemment, tout cela fait que les archives de la mémoire étudiantes sont considérées comme fragiles et orphelines car il ces archives perdent leur producteur.

Ces archives peuvent être une source de revenus pour les sites de ventes aux enchères car on peut trouver dans leurs catalogues la présence de ces archives. Mais elles peuvent être aussi une source de revenu pour la cité de la mémoire étudiante, c’est revenus servant en partie à financer le traitement des archives collectées. Pour cela la cité des mémoires étudiantes met en place des projets de valorisation des archives. Elle propose également des expositions itinérantes qu’elle met à la location pour, essentiellement, les associations étudiantes, mais également pour quiconque la demanderais. La cité à participée à l’illustration d’un ouvrage historique sur les mouvements étudiants. L’autofinancement n’étant pas suffisant pour le fonctionnement de la cité des mémoires étudiantes, elle reçoit des subventions publiques et en 2009 elle crée un fond de dotation.

Elsa Borodine

Archives et management en entreprise : apports réciproques

Cette intervention nous a été présentée par Marie DE LAUBIER, directrice des relations générale et Didier BONDUE, directeur de Saint-Gobain archives.

On a vu dans cette intervention l’exemple de l’entreprise de Saint Gobain. Dans un premier temps, Marie DE LAUBIER nous a exposé ces missions. Son poste revêt deux aspects, un culturel et l’autre axé sur les relations humaines. Dans le cadre de son poste, Marie DE LAUBIER s’occupe du dossier du mécénat culturel et du projet du 350° anniversaire de l’entreprise pour 2015. Marie DE LAUBIER a constater que dans la politique de collecte des archives que seul les Conseil d’Administration faisait l’objet des procès-verbaux et pas que pour les autres réunions liées pourtant aux stratégies de l’entreprise les archives ne récupérait que les Power Point, le problème est double car les Power Point brut sont peu explicite et on ne retrouve pas l’ambiance de la réunion comme c’est la cas avec les procès-verbaux.

Dans un second temps, le Directeur de Saint-Gobain archives nous a présenté le marketing mis en place pour l’outil créé pour la gestion des archives. Saint-Gobain vend ses prestations à toutes les filiales du groupe. Les clients ciblés sont donc les associés, les clients externe et interne. Une exposition est organisée en 2006 au Musée d’Orsay sur l’histoire de Saint-Gobain, et cela a fait pour les archives un important coup de communication qui a été récompensé par un grand prix d’un festival de communication.

Elsa Borodine

« Données généalogiques mises à part, peut-on envisager d’autres modèles de marchandisation des archives ? »

Benjamin Suc, directeur conseil de Limonade&Co, a élargi e débat en posant la question de la marchandisation des données n’ayant pas trait aux recherches généalogiques. Pour cela, trois projets ont été déclinés dans cette intervention : Histographe, Aventure Michelin et Lecoq Sportif. Réseau social né en 2012 du succès d’une page Facebook, Histographe est un site web où chaque internaute peut partager un document d’archives personnel, qui peut ensuite faire l’objet d’une réflexion et d’une indexation coolaborative. L’accès aux documents en haute-définition et sans watermark est payant (à la pièce ou sous forme d’abonnement). Avec plus de 8000 inscrits, le projet est une vraie réussite – le chiffre d’affaire n’est toutefois pas connu – mais pose la question du caractère réellement personnel des documents publiés. Le deuxième exemple évoqué a montré que l’entreprise Michelin ne s’est tourné qu’en 2009 vers la valorisation de son patrimoine à destination du grand public, via la création de l’Aventure Michelin à Clermont-Ferrand. Cette structure à deux têtes, constituée d’un service patrimoine et d’un exploitant privé, a permis d’attirer plus de 120 000 visiteurs en quatre ans et a donné lieu à de nombreuses retombées médiatiques. Enfin, le cas de l’entreprise Lecoq Sportif a été l’occasion de voir comment une marque en pleine crise d’identité et en récession économique dans les années 1980, a su redorer son image en s’appuyant sur son passé de sponsor d’évènements et de sportifs qui ont marqués l’imaginaire des Français. Cette nouvelle politique initiée à partir des années 2000 peut être un facteur explicatif de la croissance continue que connaît l’entreprise depuis 5 ans. Ces « storytelling » mises en place dans le cadre de ces trois projets montrent que la valorisation du passé peut être une vraie réussite économique, lorsqu’elle réunit trois critères de succès : l’identification, le jeu et le partage et en fin le rêve.

Marion Lamy

« Illusoire ou légitime ? La rétribution de certains services aux archives départementales. »

Thierry Heckmann, directeur des Archives départementales de la Vendée, pose la question de la rétribution de certains services dans les archives. Illusoire ? Illégitime ? Ces interrogations représentent des craintes vraisemblables mais qui ne doivent pas nous paralyser. « Peut-on toujours concilier satisfaction du public et gratuité du service ? ».

Il y a une forte demande du public au niveau de la valeur probante et de la justification de droits. Cela peut représenter un enjeu très important pour lui. Ce type de public ne sait pas faire la recherche lui-même. Les chercheurs, quant-à-eux, disposent de plus de temps, et de savoir-faire. Ils ont le goût de la recherche.

Il existe donc une différence importante entre ces deux types de publics. Ceux qui ont à faire une requête ponctuelle n’ont pas le besoin de s’investir dans l’acquisition du savoir-faire de la recherche. « Pourquoi ne pas répondre au public qui viendrait spontanément plus nombreux s’il n’était pas certain de se confronter à sa propre incompétence ?». De plus, il serait prêt à payer le prix qui pour lui représente peu par rapport à l’enjeu de sa recherche. Il accepterait sans problème de payer les frais réels que cela représente.

Pour un service d’archives toute recette est bienvenue. Dans ce but une tarification forfaitaire a été mise en place aux Archives départementales de la Vendée pour la rétribution du service. La complexité des problèmes qui font venir le public dépasse parfois les archivistes. Il est nécessaire de mettre en place des entretiens afin d’orienter les recherches. Un devis horaire est établi.

Le but de cette démarche est la satisfaction du public ce qui engendre une aussi une satisfaction du personnel. Les archives en tirent donc un certain crédit également.

Vient ensuite le problème de la réutilisation commerciale des données publiques. Cela nécessite de bien connaître les contours du droit de la réutilisation ainsi que l’usage que fait le public des sources d’archives.

La généalogie a démultiplié ce public. On voit, surtout dans d’autres pays, apparaître un public de « consommateurs ». Pour répondre à cette demande, des entreprises privées demandent des fichiers numériques pour réutiliser les données à des fins commerciales. Empêcher cette réutilisation n’aurait pas de sens. Il serait plus utile de permettre une plus grande ouverture au public. L’économie numérique accepte volontiers un partage du chiffre d’affaire. Le marché n’est pas encore levé. Le décollage de cette activité relève d’un pari entrepreneurial. Cela nécessite un investissement considérable pour mettre en ligne l’état-civil notamment. Quels en sont les bénéfices réels ? Pourquoi aller chercher des nouveaux publics alors que nous en disposons déjà en réserve ?

Les consommateurs pourraient découvrir le travail des archives à travers les réutilisateurs commerciaux. Grâce à des liens sur les sites internet, des ponts pourraient être mis en place vers les services d’archives.

L’intervenant conclu ici : ni illusoire, ni illégitime, la rétribution des services proposés par les archives ne changera pas grand-chose dans le financement général. Cependant, cela permettrait d’augmenter le public et d’accroître sa satisfaction, tout en améliorant le service.

Paul Pichon